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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


décidée le 12, que Dreyfus avait reçu le 13 sa lettre de convocation. Par la suite, au procès de 1894, le rapporteur, Bexon d’Ormescheville, dans son acte d’accusation, précise que Dreyfus fut arrêté « parce qu’il se troubla, pendant la dictée, d’une façon manifeste pour les assistants[1] ». Et Du Paty, devant la Cour de cassation[2], le 12 janvier 1899, y avait insisté formellement : « Cette dictée, dit-il, avait pour but de me permettre de surseoir à l’arrestation de Dreyfus, s’il n’avait manifesté aucun trouble en écrivant. »

Or, Du Paty s’est donné lui-même un démenti, non moins formel que son affirmation du 12 Janvier 1899. Dans sa déposition du 30 août 1899[3], il dit, en effet :

« M. le général Mercier me prescrivit d’arrêter le capitaine Dreyfus, le lendemain, après avoir procédé à la dictée. L’ordre d’arrestation était donné ferme, indépendamment de l’épreuve de la dictée. »

Donc, Du Paty, de son propre aveu, a altéré la vérité le 12 janvier 1899. Et, par suite, il en est de même de Mercier, à Rennes, le 12 août, quand il témoigne « qu’il avait prescrit à Du Paty de soumettre Dreyfus à l’épreuve de la dictée et de l’arrêter si son trouble devenait évident[4] ». Il avait insisté, plus vivement encore, devant la Cour de cassation, quand il essaya de rejeter sur Du Paty la responsabilité de l’arrestation précipitée de Dreyfus. Rappelant d’un mot la scène de la dictée, il avait déposé « qu’il se manifesta chez Dreyfus un trouble évident qui parut au commandant Du Paty et à M. Cochefert suffisamment accusateur pour motiver l’arrestation[5] ». Sans doute. Du Paty, dans son rapport, prétend avoir constaté chez Dreyfus un trouble qui l’aurait édifié ; mais Du Paty lui-même a déclaré, par la suite, au procès de 1894, que Dreyfus ne manifesta aucun trouble.

  1. Cass., II, 76, rapport D’Ormescheville.
  2. Cass., I, 400, Du Paty.
  3. Rennes, III, 506, Du Paty.
  4. Rennes, I, 90, Mercier.
  5. Cass., I, 5, Mercier.