Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/21

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tions sociales, afiu de s’eleverà lui par un autre côte : peu à peu, enfin, pour le suivre, il se laissait aller, du moins il s’en accuse, à l’entraînement du Ilot philosophique. Il était difficile, on le comprend, qu’un jeune homme récemment arrivé de la province et tombé, par une bonne fortune inattendue, dans cette enivrante atmosphère, se garantît complètement des séductions qui subjuguaient une société déjà blasée. .N’’était-il pas à cet âge où, pour peu qu’on relâche les rênes, l’esprit s’échappe en courses folles sans se détourner des obstacles, sans respecter les barrières" ? Diderot, d’ailleurs, l’accueillait avec bonté ; il lui ouvrait de toutes parts des vues nouvelles, l’encourageait dans ses travaux, et ne dédaignait pas de proposer à son ardeur impatiente certains sujets d’ouvrages dont je retrouve, dans le journal du néophyte, les traces abandonnées. C’étaient de ces aperçus fugitifs que la magie du grand causeur avait su revêtir de formes précises et douer d’une réalité saisissante. Plein de confiance en la parole du maître, le disciple ebloui se mettait à l’œuvre ; mais les lignes délicates d’un dessin improvisé ne tardaient guère à s’effacer sous le travail, et les éclairs du premier jet à s’éteindre dans la réflexion. Dupe de son illusion, cependant, M. Joubert imputait à sa propre impuissance des mécomptes dont il eût pu rejeter la faute sur la sterilité des sujets. Ce n’est que plus tard, au souvenir des efforts tentés par sa jeunesse pour donner l’être à je ne sais quels traités sur les perspectives de l’esprit, sur la bienveillance universelle, ou sur quelques autres thèmes tout aussi vagues, que, découvrant son erreur, il put à la fin s’écrier : * C’est la matière qui manquait, et je ne sus pas le