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LES DÉCORÉS

mise ravinée, une cravate de travers, des cheveux touffus et rebelles, des yeux d’une profondeur attendrie, une figure franche et bonne, la bouche crispée par un rictus amer, le nez pincé de quelqu’un qui a souffert, l’aspect naïf d’un paysan endimanché, avec un je ne sais quoi d’inspiré dans le front qui était magnifique. — Qui est-ce ? — Rollinat.

Ah ! ce ne fut pas long ! Mon parti pris imbécile chavira, emporté comme une paille par une avalanche. En cinq minutes, ce diable d’homme m’avait retourné, pris, accaparé, envoûté, et je trouvais les éloges d’Albert Wolff terriblement tièdes. Ah ! dame, pas d’erreur, ceux qui n’ont pas écouté Rollinat chanter les Yeux morts, la Cloche fêlée, la Mort des Amants, la Chanson de la perdrix grise, ou l’Âme des fougères, ceux-là n’ont rien entendu de leur vie. Une existence manquée à recommencer.

Rollinat n’est ni musicien, ni poète, ni prosateur, ni remueur d’idées par métier,