Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/286

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
LES DÉCORÉS

de la veuve et de l’orphelin, une vraie rengaine, mais une rengaine lugubre quand on la chante « pour de vrai ». La brave femme était instruite, bien élevée, intelligente ; seulement, pas de métier.

Elle donna des leçons de piano et de français, copia des rôles, écrivit des bandes pour les journaux. Avec des cachets à un franc et des écritures à deux sous la page, on ne va pas loin à Paris, surtout, lorsqu’on ne peut porter ni bonnets ni blouses, et que la maladie enrichit le pharmacien. Il y eut plus de jours noirs que d’heures roses à la maison. Je me rappelle encore les injures du concierge quand nous étions en retard pour le terme ; les scènes du boulanger et du boucher, lorsque les notes n’étaient pas soldées ; les semonces du censeur dès que le trimestre, au lycée, se faisait attendre ; les menaces des huissiers criant qu’on allait vendre nos meubles. Et malgré cela, jamais découragée, jamais à terre ; c’était une énergique, ma mère ; nous nous consolions