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LES DÉCORÉS

Il alla fourgonner le feu, ralluma sa pipe éteinte et reprit, comme se parlant à lui-même :

— Pourtant, à seize ans, j’eus conscience que l’existence de bête de somme menée par ma mère ne pouvait durer éternellement. Une fois mon bachot passé, — pour lui faire plaisir, car je m’en fichais pas mal, moi, de ces pitreries-là — je me mis dans la tête de gagner quelques sous. Mon rêve eût été d’être musicien, mais je n’en parlai pas, car la maman Gâteau aurait tenu à me laisser suivre ma vocation, comme elle disait, et ce métier-là n’eût sûrement pas amené l’eau au moulin.

Je cherchai à me placer dans le commerce. Le commerce dont la signification ne m’apparaissait pas très clairement et dont j’avais l’horreur — par instinct — était pour moi synonyme de fortune. Il n’y avait pas à hésiter. Malheureusement, quand je parlais — en bafouillant et en rougissant — de mes études et de mon baccalauréat, les gens chez qui je me présen-