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LES DÉCORÉS

grands, et surtout les petits. Chacun avait été pris par l’objectif dans l’intimité d’une existence ouatée de bonheur, dans la douce atmosphère du chez-soi, dans le décor d’un riche intérieur d’artiste, dans le recueillement du travail et la respectabilité d’une fortune glorieusement acquise.

Parmi ces heureux, un intrus détonnait lamentablement et suggérait la crainte d’une choquante erreur. Cet individu au front énorme et dénudé, aux traits sabrés, à l’air pensif et triste, ce marque-mal d’une laideur brutale rappelant le masque de Socrate, c’était Verlaine, Verlaine assis sur une banquette crasseuse, le regard perdu dans une rêverie douloureuse. Devant lui — sur une table de marbre — une carafe, un verre d’absinthe, un encrier de deux sous, des allumettes, des feuillets épars. Une salle de café bête à pleurer, une salle de café qu’éclaboussent de ridicule un aquarium en zinc et un rocher en carton, voilà le chez-lui — quand ce n’est