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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

chose que je désire, mais la seule que je veuille vous demander, accordez-moi l’intelligence de ce que vous me voulez !

Et je vous promets au moins, quels que soient mes désappointements, mes lassitudes, mes efforts perdus, l’absolu désintéressement pour ce qu’il ne m’aura pas fallu, la complète insouciance finale pour ce qui ne devait pas être moi.

Samedi 27 février.

Écrire peu et vivre peu, identique pour moi.

J’ai beau faire, je m’y prends mal. Ce perpétuel roidissement amène des réactions atroces. Je dépense énormément de volonté pour peu de choses. Ce travail révolvant toujours sur moi me harcèle et me dégoûte[1]. (1).......................... ...........................


Mardi 4 mai.

J’ai certainement pensé à écrire, c’est le premier mouvement de ceux qui ont vécu un peu plus vite et un peu autrement que les autres. Et c’est faire quelque chose ! Quand les circonstances vous ont donné une certaine habitude, une certaine rage de volonté, on s’en trouve singulièrement embarrassé !

Le travail ardent, implacable, aurait alors sa raison d’être, les résultats s’étendraient. Puis enfin la jouissance esthétique, vouloir toujours plus parfaite, plus sincère, forte et souple la langue qui traduit votre substance, il y a là quelque chose.

Mais j’ai rêvé plus. Une pareille carrière n’est déjà plus assez sérieuse pour moi.

  1. Les doubles lignes de points indiquent qu’une ou plusieurs pages consécutives ont été supprimées dans les cahiers manuscrits. Ces suppressions, antérieures à la mort de Mme Lenéru, mère de Marie, sont peut-être souvent dues à Marie elle-même… Le numéro qui accompagne éventuellement la double ligne de points, renvoie le lecteur à l’Appendice placé à la fin du volume. Il y trouvera, au nu-