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JOURNAL DE MARIE LENÉRU


Brest, rue Voltaire, 2 octobre.

La valeur des souvenirs, le bonheur dans le passé, viennent de ce que nous les acceptons, comme tout l’absolument irrévocable. Jamais nous ne consentons au présent, nous n’y sommes presque pas. Par notre adhésion complète, nous pourrions lui donner la douceur nostalgique des choses profondément enfoncées en nous, des réminiscences.

La convalescence et le charme identique en sa passivité du voyage, du trajet, nous montrent bien, par contraste, que nous n’acceptons pas les autres moments de notre vie.

J’aime ces vieilles chambres dans les vieilles maisons des vieilles personnes. Elles sont rouges ordinairement, et empire ; elles donnent sur des cours, le plafond est très haut et il y fait noir. Elles contiennent beaucoup de choses parce qu’elles sont aussi, au-dessous, des chambres de débarras. Une chambre élégante et moderne, je la discuterais ; ici, ce sont des choses acceptées, des chambres mortes et on les aime définitivement comme le passé.

Comprendrai-je jamais qu’un homme intelligent aime la pêche ? Joubert dit que le plaisir de la chasse est le plaisir d’atteindre. Eh bien, le plaisir de la pêche est le plaisir d’attendre !