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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

le dépasse. Peut-être que je ne désire rien de ce que donne l’ambition, mais je ne pourrais pas vivre sans être ambitieuse. Je ne conçois la vie que comme une série d’échelons à gravir. Le changement est une nécessité humaine ; pourquoi pas le changement en mieux ?

Grand Dieu ! qu’avons-nous à faire en ce monde si nous ne sommes pas ambitieux, ambitieux du bonheur le plus difficile ? Et comme, au bout du compte, l’opulence et les grandeurs sont des voluptés qui ne se livrent qu’aux très forts dans le struggle for life, étant les plus disputées, je ne vois aucune raison de ne pas faire à ces dépouilles opimes une large part dans nos appétits.

Oui, il manque souvent beaucoup à ceux qui réussissent, mais il manque toujours quelque chose à ceux qui échouent.

Nous avons trop déprécié le succès, c’est très petites gens.

Je me traite comme je ne me suis jamais traitée. Un furieux parti pris d’être contente. Je ne veux pas être misérable par habitude, par inertie. C’est un perpétuel éveil de contradiction : Si ! Si ! Il faut être contente !

Je veux croire en moi, en mon avenir, comme un imbécile ! Je me défends de le juger sur le présent. Et pour celui-ci, je ne lui demande d’être qu’un degré,