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ANNÉE 1902

j’en arrive quelquefois à l’aiguille. Quand je suis noire d’imprimerie, je la savoure presque. Oh ! ce n’est pas qu’elle me fasse penser ! mais, au moins, je ne mets les pensées de personne à ma place.

Mme V… a le compliment d’une violence : Vous êtes mieux que personne.


Trez-Hir, 7 Août 1902.

Je m’empare d’instinct, fût-ce pendant une heure d’impondérable coquetterie, de tout ce qui vaut, de tout ce qui dépasse. D’un pays ou d’un homme, je prends ce qui me revient, ce qu’il y a de mieux. Mais je ne pourrais pas être jalouse.

Quand elles me parlent jalousie, je dis que je ne comprends pas, qu’il ne s’agit pas d’être sûre des autres, mais de soi. Qu’il faut être capable d’inspirer un sentiment tellement unique, qu’il ne puisse jamais se doubler. C’est en moi que je chercherais mes sujets d’inquiétude, sinon qu’importent les rivales inférieures ? Quel souvenir peuvent-elles laisser auprès du vôtre ? Je me soucierais peu d’être l’unique amour, mais le plus bel amour. Soyez irremplaçable et laissez-vous remplacer.

Quand j’arrive ici, au bord de cette grande plage de sable, de cette grande plage de ciel et de cette grande plage d’eau, j’ai toujours un saisissement de…