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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

ceux qui ne demanderaient pas à la vie autre chose qu’elle-même.

Seulement, il y a la mort. Suis-je plus sincère ou moins élevée que vous ? Mais la mort est ce que je reproche à la vie. Si l’on avait le temps d’être patient on pourrait attendre avec toutes les douleurs et les ennuis. Ah ! si le temps s’arrêtait dans la souffrance, si l’on n’en vieillissait pas ! Vous sentez bien que tout serait changé. Alors qu’y a-t-il « d’absurde » ? D’être des mortels qui n’aimons pas mourir. C’est la seule « contradiction » franchement insupportable. Donc, ne pas s’en prendre à la vie, quand on n’en veut qu’à la mort. Vous croyez que je me moque de vous et que j appelle le loup pour vous consoler de Croquemitaine, mais vous parlez « d’absurdité » et tout me paraît si logique !

Quant au jeu du courage et de l’énergie, je le trouve un peu funambulesque. Qui donc le courage a-t-il rendu plus heureux ? Où cela change-t-il quelque chose dans la réalité des faits et la nécessité des sensations ? C’est élégant comme tous les mensonges de bienséance, mais ceux qui s’enchantent de leur courage et croient, pour cela, avoir inventé un moyen de se tirer d’affaire me dégoûtent comme le joli cœur qui fume une cigarette pendant l’opération.

De l’énergie ? Si vous entendez par là un accommodement avec ses maux, aidant à les tolérer, je n’en