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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

vie ? N’y a-t-il vraiment à interposer que cela entre la mort et vous ?


3 juillet.

Mon âge m’impressionne tellement, qu’à la lettre je ne cesse de penser à cette menace de vieillesse, qui me hante comme la mort. J’ai beau me redire mon : qui est comme moi ? me rappeler ma promesse et mon vœu de durer plus que les autres, il y a des moments où je ne ferais plus un geste vers le succès, vers une réparation, parce que je n’ai plus 25 ans.

Presque tout le monde rit et se moque en disant combien on vieillit, cela me paraît une telle grossièreté… c’est une pudeur qui leur manque. Et, au fond, comme il faut niaisement être ou se croire heureux, comme il faut regarder son passé avec l’intrépidité des aigles, pour se rayer des vivants avec ce rire de crétins.

Je n’aime, je ne me sens la sœur que des âmes qui croient tellement à la mort qu’elles la respectent déjà en elles-mêmes.

En retrouvant X… vieillie et le disant gaiement, j’ai eu l’impression de trahison des troupes qu’un mouvement inattendu découvre sur un champ de bataille. J’ai dû paraître bien frivole en répondant que plus j’allais, plus je me trouvais jeune, que je