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ANNÉE 1910

l’ordre règne à Varsovie ? » me révèle une passion plus âpre que s’il se lamentait : « C’est trop mon Dieu, c’est trop ! « 

Pour moi, ce qui fait la valeur des Affranchis, c’est que le drame passionnel et le drame d’idées sont tellement liés que, pas un instant, vous n’en pouvez décomposer l’amalgame. La supplication de Philippe à Hélène, sa prière devant la mort : « Je veux, je veux en amour être payé mon prix ! » — Le sursaut d’Hélène : « Vous ne m’en aimerez pas plus ! » Est-ce que vous ne sentez pas que dans une scène pareille, comme sur le champ de bataille, c’est l’être le plus instinctif, le plus passif qui est en cause.

J’ai donné des formules éloquentes, des formules claires à des réflexes, à des élans profonds de l’instinct, en ai-je trahi la passion ? Dans une crise passionnelle, qui est forcément un débat moral, me direz-vous, s’il vous plaît : « Ici vous quittez le langage de la passion et vous entrez dans celui des idées ? »

Mes héros ne se disent pas une fois « Je vous aime ». J’avoue que ceci m’avait paru une élégance, une plus exigeante manière d’en appeler au public : « Cette certitude, au réveil, de vous avoir sous mon toit… je ne pourrais plus m’en passer. » — Hél. très simplement : « Ni moi. »

Voilà leur déclaration. Évidemment je n’ai pas fait de la passion. Bien au contraire, mon héroïne raisonne :