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ANNÉE 1910

Si, comme le disent les Gregh, Antoine a inventé ces matinées pour moi, je crois qu’il est temps de reprendre ce journal et de compter les points au sens inverse.

Je serai toujours une ascétique. L’autre jour, en rentrant charmée de la distinction, de la simplicité d’Henri de Régnier, je disais : « Ah ! ce qu’on est, comme c’est plus important que ce qu’on fait…

— C’est plus difficile, m’a répondu maman.

Voilà où excelle Mme Duclaux, elle est avec perfection. D’abord cette présence de tout elle-même à chaque moment de sa vie. On appelle cela de la présence d’esprit ; je crois plutôt à une libre disposition de soi, obtenue par une belle gymnastique intérieure et le bon entretien des rouages. Et puis, ce charme, cette attention à autrui, ce don de la réponse juste, ce tact à ne parler d’elle-même qu’autant qu’on en a envie. Aussi quelle prestesse à juger ! On la sent bonne, et pourtant elle dit tout, c’est une bonté démouchetée. Et quelle beauté sans la beauté.. Je la regardais écouter, religieuse et jeune, avec ses beaux cils attentifs, sa taille et ses bras de Tanagra.