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ANNÉE 1912

de force ? Je suis lasse à fermer les yeux, à ne vouloir que dormir et mourir.

Quand nous avons parlé musique le soir, je ne m’endors plus. À propos d’un air de la Surprise que je jouais enfant, et que je ne sais quel orchestre vient de donner, maman recherchait, sans la trouver, la sonate au clair de lune ; alors, avec l’accompagnement, je l’ai jouée sur la table, elle l’a reconnue, dès les premières mesures. Elle rappelait le programme de la Chapelle de la Marine. M. Chic, qui m’a envoyé des airs de ce pauvre Redoutable, jouait la symphonie de la Reine à l’Introït et, pendant la messe, le Lac de Niedermeyer, avec cette excellente « musique de la marine », arrivait au tour de force de paraître religieux. Comment n’ai-je pas oublié le matelot qui recevait vos cartes à l’entrée ? Et le grand rideau rouge devant la fenêtre de la tribune. Il y avait des pancartes dans l’escalier par lequel on y montait : « Silence dans la maison du Très-Haut ». Puis je me revois, surveillée toujours par des marins aidant les Suisses, dans le cortège, attendant devant le portail, sur le tapis entre les chaînes et les bornes en hémicycle, le jour du mariage d’Albert d’Auriac. Il y a longtemps que la Chapelle de la Marine n’existe plus que comme une Sainte Chapelle, sans messe rouge.