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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

et le parti d’en bas, cela ne prouve-t-il pas qu’il est temps que mon théâtre arrive pour venger enfin l’humanité d’en haut ?

Je vois une situation, quelques scènes qui mettent mes personnages dans un beau corps-à-corps, et si, peu à peu, cette situation devient problème, c’est qu’elle s’organise en moi et se développe avec ce souci de l’équilibre qui est, en littérature, la loi même de la vie. Les formules, qui vous apparaissent comme les points de départ et les pilotis de la pièce, arrivent en dernier lieu, elles naissent du dialogue à mesure qu’il s’écrit. Le « Je ne sais pas » des Affranchis, ce « mot de la fin », pour lequel disait un critique, j’aurais écrit toute la pièce, est né d’un raccord. Il était presque invisible dans une scène du 4e acte, en supprimant l’acte, j’ai vu qu’il fallait conserver le mot et le mettre en valeur. Mais par exemple, si la pièce ne doit pas s’interpréter elle-même, si elle doit, comme la peste, éviter de s’écouter penser — Voyez ce qu’écrivent les jeunes gens qui font du théâtre d’idée — rattrapez-vous, une fois le travail fini, et si c’est possible, avant la pièce jouée : Expliquez, expliquez, dussiez-vous y peiner comme une étrangère. Dressez vos écriteaux : « là, il y a une forêt ».

Vous n’en pourrez jamais trop faire. Vous n’en ferez jamais assez. Ce n’est pas que les autres soient bêtes, mais après tout, le plus intéressé à comprendre