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ANNÉE 1916

d’armement, d’Europe et d’Amérique avaient formé un vaste projet afin de pouvoir tirer de cet immense pays le bénéfice de l’exploitation de ses richesses ; on avait formé un consortium, composé de banques importantes d’Allemagne, d’Angleterre, de France et des États-Unis. La diplomatie de ces quatre puissances approuvait et appuyait le projet. On devait d’abord lancer une série de grands emprunts de plusieurs milliards pour permettre la militarisation de la Chine et les grandes commandes du matériel de guerre qu’elle comportait.

C’est l’horreur de la guerre qui domine chez tous ; alors, comme l’homme a toujours fait devant la douleur, on mysticise le fléau. Le plus grand danger vient peut-être de ce lyrisme dont nous nous voilons toujours devant la mort gratuite et « inventée » — mot de Marx — Ce qui me révolte et me frappe bien autrement dans la guerre, c’est précisément l’absence de cette fatalité dont notre routine verbale et tant de lyrisme invétéré s’obstinent à la gratifier.

Ce qui me frappe, et plus que l’horreur encore m’a rendu la guerre insupportable — il y a bien de l’horreur aussi que nous acceptons dans la nature —, c’est la gratuité, l’artificialité, la non-nécessité du fléau. Et cela, comme toujours au monde, venant peut-être uniquement d’une erreur verbale. Les plus