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XXXVIII
PRÉFACE

a trois ou quatre mots par ligne. Marie vient d’être cinq mois sans pouvoir écrire, et cette opération lui reste terriblement difficile. On voit cependant que ni elle ni sa mère ne prennent au tragique la douloureuse épreuve. L’année 1890 arrive et avec elle la fin du cahier de souvenirs d’enfance.

Le journal d’enfant de Marie Lenéru s’arrête en Janvier 1890 et son journal de femme, celui que l’on va lire, commence en Septembre 1893. Trois ans et demi séparent la gamine de 14 ans de la jeune fille de 17 et quel abîme entre ces deux personnes !

Il n’est pas facile de suivre les étapes de cette évolution. Marie ne livrait d’elle-même que ce qu’il lui plaisait de laisser voir, beaucoup en surface et fort peu en profondeur. Il m’a été donné de parcourir de nombreuses lettres écrites à ses proches au cours de cette période de transformation, lettres remplies de tendresses limpides, d’impressions littéraires, de détails sur ses études que l’on devine conduites avec acharnement. Rien de tout cela ne donne idée de ce qu’elle écrivait pour elle-même. « Ce que cette lecture fut pour moi, me disait sa mère, on le comprendra ! Certes, je savais que ma fille devait souffrir plus qu’une autre à sa place. Mais à ce point-là ! Pouvais-je le supposer quand toute sa vie ne fut qu’un doux et constant sourire de vaillante gaîté qui voulait m’aider à supporter notre double épreuve et à rendre ma vie possible, heureuse presque. » Le principal événement