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BIBLIOGRAPHIE

pourrait dit-il, éclairer par la statistique la situation, de chaque grande profession, savoir celles qui ont besoin de règlements spéciaux, faire connaître quelles sont les ressources des localités pour telle ou telle industrie, les besoins non satisfaits, les lieux où il y a une trop grande excitation dans la production, et, ces faits bien connus, arriver à mieux utiliser la plus grande partie des travailleurs. » (Page 199.) On pourrait ! est une illusion ; on pourra un jour faire tout cela, sans doute ; mais la science économique est encore trop négligée pour que ces recherches soient faites avec la précision et la direction nécessaires. Nous ne voulons pour preuve de cette assertion que les citations que fait M. Rittiez lui-même de l’opinion de MM. Chamborant et Buret, qui ont parlé, avec un talent spécial, du paupérisme et de la misère, mais qui ne sont pas précisément des économistes orthodoxes. Buret professait presque’ du dédain pour l’économie politique, qu’il ne connaissait pas ; quant à M. Chamborant, ses critiques ne sont pas non plus suffisamment motivées. M. Rittiez n’ose pas, lui aussi, de peur de passer dans un certain monde pour un esprit étroit, positif et médiocrement aventureux, accorder son estime aux économistes, qu’il appellerait volontiers, à l’instar de M. Vidal, du nom un peu dédaigneux d’école libérale descriptive. Il les accuse de ne voir partout que des produits, de s’enthousiasmer sans réserve pour les machines, de ne pas craindre d’exporter du blé, d’approuver les journées de quatorze heures et les petits salaires ; de proscrire le mariage, etc. Nous en appelons, de M. Rittiez, à lui-même quand il aura lu Turgot, Adam Smith, J.-B. Say, Malthus, Ricardo et Rossi. Il verra que l’école, tout en rejetant de ses doctrines cette vague sentimentalité qui croit guérir les maux en les aggravant, prescrit dans ses recherches la vérité dans toutes les choses qui sont du domaine du travail, et qu’elle accepte l’épithète de libérale. Il s’apercevra que si, en effet, l’école est plus particulièrement descriptive, c’est que l’analyse est pour elle un moyen de connaître ce qui a été et ce qui est, et de plus le meilleur moyen de connaître ce qui doit être, et que ce procédé vaut en définitive mieux que celui des socialistes, qui consiste à considérer les travaux de ceux qui les ont précédés comme autant de billevesées, à en faire table rase et à proclamer la panacée universelle. Jph. G.


CHRONIQUE.




Paris, 14 mai 1841.


Trois questions d’une haute importance ont occupé ce mois-ci les Chambres législatives : l’instruction secondaire, l’émancipation des esclaves, le régime des prisons.

Pour la première, nous renvoyons nos lecteurs à l’article de notre savant collaborateur M. Dunoyer. De graves erreurs ont été faites, des opinions hasardées ont été produites. De part et d’autre on semble à l’envi s’être éloigné du principe sacré de la liberté. Il importait au Journal des Économistes de protester contre ces erreurs ; nul ne pouvait protester avec plus d’énergie, plus de force et de talent, que le savant académicien, membre du Conseil d’État, qui s’en est chargé.

La question de l’émancipation n’a pas été traitée à fond ; il ne s’agissait, en effet, que d’une pétition des ouvriers de Paris, qui, sans s’inquiéter des moyens, demandaient l’émancipation immédiate des esclaves. Cette pétition témoignait au moins deux choses : la première, le peu d’égoïsme des ouvriers, qui, sans s’inquiéter de leur propre émancipation, demandent celle des esclaves ; la deuxième, l’énergie habituelle d’entrain qui distingue les ouvriers de Paris.