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VISIONS DE L’INDE

dédain. Ce doit être seulement du plâtre sur du bois, ou même de la pierre vraiment, mais de cette pierre poreuse, pliante, aussi souple que l’acier, et dont des languettes sont vendues aux touristes par des colporteurs.

Pays déconcertant, où des arbres truqués naissent miraculeusement sous les passes magnétiques des fakirs, où des yoghis dorment pendant des mois, la bouche, les oreilles et les yeux scellés, sous la terre, où les rois se prosternent devant les ascètes, où le singe et le serpent sont vénérés comme des dieux, où la nature elle-même est fée, où la pierre plie !

… Je vais seul, dans la nuit, accompagné d’un coolie, envoyer une dépêche à notre consul de Calcutta. Le globe trotter est déjà sous sa moustiquaire, éreinté par les tennis, les chasses et les chevauchées de Bénarès. Le pauvre Hindou qui me précède fait peine à voir dans ses loques. Je ne cesserai d’être ému par la misère résignée de ce peuple. Nous sommes au printemps, et les nuits sont encore fraîches, pour les natifs surtout. Celui-là est vieux et malingre, tremblant de famine et de froid. Sa barbe grise, mal rasée, hérisse son visage, son œil est à jamais éteint. Il a mis sur ses épaules, comme les vieilles femmes, un grand mouchoir qui lui retombe en pointe dans le dos ; sur son front