Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
VISIONS DE L’INDE

cocasse, élevé par un aventurier lyonnais, et qui est devenu une maison d’éducation.

En route, je me rappelai son histoire : ce n’était pas un homme banal que ce Claude Martin, qui se fit lui-même. Il avait l’amour de l’inconnu, une avarice de parvenu, des aptitudes à la guerre et la manie de construire. Il vécut au dix-huitième siècle, alors qu’un trait de plume de Louis XV nous fit perdre l’Inde, sans doute à jamais ; il passa du service de la France à celui de l’Angleterre. Devenu général et conseiller du nabab de Lucknow, il sut profiter largement de cette haute protection, enrichit le pays, sans oublier de remplir ses poches, et voulut que la postérité s’en souvint. Dans ce but, il fit à Lyon, sa ville natale, à Calcutta et à Lucknow de belles donations, pour que des écoles y fussent élevées, portant son nom. Le collège de Lucknow est certainement le plus important et le plus pittoresque, car il est situé dans Constantia-House, le palais de plaisance de l’aventurier.

Nous y voici. Il est du plus mauvais goût, d’une esthétique de tonnelier (telle était, d’ailleurs, la profession de son père) sans choquer l’œil, pourtant, car, dans ces plaines immenses de l’Inde, tout est permis, tout est possible. On s’étonne et on sympathise pourtant à cet assemblage de styles contradictoires, devant le rêve pétrifié d’un ambi-