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VISIONS DE L’INDE

linge des moines, de loin veiller à ces menus détails de la vie qui composent le confortable. Sous la véranda je les trouve, malgré la chaleur, laborieuses, cousant comme des épouses sages, elles, les vierges de Dieu. Leur apparition est délicieuse, sous leurs longs vêtements blancs. Elles sont jeunes, jolies, malgré la modestie qui les efface, douées de ce teint de rose que donne l’air vif des montagnes et qui semble fait avec la neige même des Himalayas colorée par les aurores.

Elles m’accueillent, accompagné par le Père Engelberg, avec une aménité exquise où tremble leur cœur qui, souffrant d’être arraché à la terre natale, salue en tout voyageur européen un ami.

C’est justement le retour des vacances ; quelques petites « half cast » viennent d’arriver, un peu tristes, dirait-on, de tout le sang noir qui coule encore dans leurs veines, et rayonnantes pourtant à cause de cette vie de couvent reprise dans une ambiance de mystique douceur, de musique et de parfums. Je revois l’une d’elles à la fenêtre, tenant dans ses mains une poupée bariolée, mi-anglaise, mi-barbare, selon le goût de Bombay ou de Calcutta. Elle me jeta un regard que je n’oublierai jamais ; la mélancolie de la paria y corrigeait l’orgueil invaincu de la race blanche. Tout cela dans ce naïf désir de vivre, qui fait le charme et la force des enfants. Ses attitudes