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VISIONS DE L’INDE

dire pas de lits. Ce sont des nattes avec des matelas épais comme des galettes. L’hôtesse y a ajouté un drap, un seul ! par respect pour notre qualité d’étranger.

Le cabinet de toilette, à peu près le même dans toute l’Inde, mérite d’être raconté : il se compose d’une sorte de bassin sec avec des jarres en terre poreuse, où l’eau se rafraîchit. Une mesure, dans le genre de celles dont nos laitières se servent pour doser le liquide mousseux jaillissant au pis des vaches, y est accroché. Une rigole conduira l’eau savonneuse dans une cour lointaine. Nous nous déshabillons et, nus, nous nous ondoyons d’importance, car, quoique nous soyons déjà en hiver, la chaleur est hideusement accablante. Il faut trois ou quatre fois par jour se baigner vigoureusement pour décoller de sa peau moite cette poussière enfiévrée qui monte des échoppes et de la rue.


Immédiatement nous adoptons, chacun, pour domestique, un « boy » ; c’est plus que la coutume, — une nécessité. Le mien est maigre, agile, joli comme un singe qui serait devenu un homme grâce à la fantaisie d’un habile sculpteur de chair. Tout jeune, avec son turban gracieux comme une toque de femme, sa tunique flottant sur ses membres sveltes, trop grêles, — c’est un Bengali. Il s’appelle Rozian,