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VISIONS DE L’INDE

hérissée de défenses d’éléphants, pareille à une massue formidable…

Quelle imagination ne travaillerait pas en présence de ces suggestives ruines ? Personne n’est auprès de moi ; mon guide lui-même que j’ai payé pour qu’il m’abandonne, m’a obéi. Une magie monte des choses que le contact humain a en quelque sorte aimantées et à leur tour elles deviennent évocatrices de fantômes. Mais la réalité mélancolique opprime bientôt mon rêve d’antique faste. Toute la cité morte se déroule sous mes pieds, et ces villages, plus tristes encore que s’ils étaient morts, où de misérables humains modernes somnolent comme des brutes : Fattepur, devant moi, n’ayant qu’un monument solide, le bureau de police, Kipri derrière moi, réduite à quelques masures de boue. C’est la désolation apportée par l’homme au milieu de la nature la plus joyeuse, sous un ciel qui a toujours pitié ! Les remparts démolis çà et là dentèlent la plaine ; ils sont comme la ceinture déchirée d’une momie. Le hammam survit avec ses dômes écrasés et noirs. Et c’est la plaine immense qui console, par son éternité, les terrasses désertes, le soleil roi… J’écoute… une rumeur monte vers moi, — ce sont des rires et des chants d’enfants, l’inconscience des recommencements qui est la fleur vivace des tombes.