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VISIONS DE L’INDE

languissants, presque effacés, sans prunelles ; et son geste semblait plus encore saluer et bénir que solliciter ! Il était nu avec un pagne, allongé sur une planche hérissée de clous qui s’érigeait en estrade contre l’enceinte sacrée. Sa chair brune reposait avec nonchalance sur les pointes rouillées par son sang et qui, de sa nuque à ses talons, le pénétraient. L’Européenne se tut. Ce spectacle était si insolite pour elle que je la vis pâlir. Son âme oscillait de l’horreur à la pitié et à l’admiration. Elle me prit la main, sentant pour la première fois peut-être la beauté des choses affreuses… Une stupéfiante douceur était répandue sur les traits de cet Hindou, son attitude était aimable et dédaigneuse, et son supplice augmentait sa sérénité.

Le prêtre fiévreux, tête rase, avec sa longue mèche distincte qui lui tombait sur la nuque entre les deux épaules, suivait, nous harcelant de son haleine infecte. Il toucha du bout de ses doigts avec respect les pieds de l’ascète.

« Voilà un grand saint ; depuis plusieurs années, il reste étendu sans se plaindre sur ces pointes de fer. Il ne vit qu’avec les pièces de menue monnaie que lui jettent les pauvres pèlerins. Mais il est heureux, bien que son corps souffre, et son âme communie avec l’esprit éternel de Shiva. »

Cependant, brandissant sa canne, pour écarter la