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VISIONS DE L’INDE

gent, traiter des affaires et parcourir le monde. Vous recherchez l’aise, le confort, le luxe. Chez nous, beaucoup pensent qu’il est mieux de rester immobile, de repousser tout vêtement, de subir l’intempérie cruelle et même de braver la torture physique afin d’exalter, dès cette vie, notre immortalité. Nul ne sait ce qui est meilleur en soi. L’important, c’est d’être heureux et de ne pas empêcher les autres de l’être, quand même leur façon d’agir serait contraire à notre goût. »

Nous jetâmes des cuivres et des piécettes d’argent au supplicié qui sourit peu distinctement de ses lèvres pâles et agita sa main comme un éventail qui remercie. Il prononça quelques mots sanscrits qui attirent la bonne fortune sur les cœurs miséricordieux.

Avait-il entendu notre longue discussion ? Peut-être. Mais elle ne l’intéressait pas plus que les mouches qui tourbillonnaient sur ses blessures. Il avait résolu à sa guise le problème de la vie. Et je ne parle pas du procédé ancien, certes, de chercher le bonheur dans les tourments. Les premiers chrétiens le connaissaient ; et la douleur n’est pas seulement aimée des mystiques, les grands voluptueux apprécient ses profonds trésors. Cet Hindou n’avait sans doute pas pesé sa détermination ascétique. Elle n’était point le fruit naturel d’une époque, la