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VISIONS DE L’INDE

rieur à tous les autres biens, et invisible. À la cour de ces Mongols, avides de luxe et de domination, parfois une fleur mystique, ne voulant être belle que de la beauté intérieure, renonciatrice des beautés accessibles aux sens, répandait son pur parfum que le temps lui-même n’a pu dissoudre.

Que puis-je y faire ? L’artiste en moi a beau admirer et chérir ces architectures féeriques dont les débris aujourd’hui encore étonnent les plus blasés et les plus difficiles, mon cœur n’est pas dans ces palais des mille et une nuits réalisés sous le soleil par des volontés esthètes ; parmi ces rêves marmoréens mon cœur s’ennuie… Il s’évade loin des arcades, des portiques, des trônes, il retourne dans le vieux Delhi ; et, parmi les tombes que la poussière des siècles a presque enterrées à leur tour, il en choisit une qui n’a pas même de marbre, que l’indigène a oubliée, que le touriste dédaigne. Là, des herbes folles ont poussé, cachant une inscription à peine lisible, racontant en quelques paroles humiliées la qualité et le nom de la dépouille ensevelie. Cependant, celle qui dort là était la fille et la sœur des plus puissants empereurs de la terre. Mais elle méprisa son rang et même sa beauté. Elle ne fut éprise que de son âme, et de l’Âme des âmes. Ses yeux à jamais fermés sur les splendeurs environnantes n’avaient voulu s’ouvrir que sur les tré-