Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
326
VISIONS DE L’INDE

dont la fleur mortuaire est plus ornée, concubines dont la fleur mortuaire est plus modeste. Ces pauvres femmes périrent, non sans doute par amour mais par conjugal devoir, sur le bûcher de leur maître.

Étrange mélange de cruauté et de pitié : deux pigeons qui furent pris par les flammes sont abrités là aussi. Ils ont leur place parmi les cendres royales. L’endroit est bien oriental, encombré de sacerdotes, d’oiseaux, de chiens, de barbiers. Un fou est assis pour garder les livres sacrés qui dorment, cadavres de mots, à côté du cénotaphe.

Il raconte des niaiseries à ceux qui entrent, et on le respecte comme on respecte en Orient les fous.

Je reste longtemps à regarder ces témoignages d’une fausse sagesse que garde un insensé. Ils sont là, sous le linceul d’un voile rose, exhibés et cachés à la fois. Ils se reposent sur une natte, comme une personne endormie ; des chasse-mouches les protègent, et les pèlerins baisent de loin le marbre de l’enceinte qui contient ce débauché, ces sultanes, ces oiseaux et ces rêveries. On dort là, on y chante, on s’y lave, on s’y épile ; c’est à la fois un cabinet de toilette, un cimetière et un temple.

Un noir silencieux ne me quitte plus ; il a essuyé la poussière de mes semelles, il dénude