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VISIONS DE L’INDE

vestibule en plein vent, avait l’aspect morose et louche de ces sortes de logis suspects.

Quelques Indiens, mauvais drôles qui buvaient et fumaient dans la chambre, s’effacèrent comme des ombres. Des femmes d’aspect maladif, déjà vieilles pour l’Inde (de vingt-cinq à trente ans) m’accueillirent avec des regards rusés et des attitudes prometteuses qui dénotaient déjà un long apprentissage. Le musulman comprit ma déception. D’un geste il dispersa ce troupeau trop ordinaire.

« Celles que vous désirez vont arriver ; je les fais chercher chez elles. Si nous n’y mettions pas beaucoup de discrétion, elles seraient perdues de réputation à jamais et ne pourraient plus revenir. »

En effet, par la petite cour entrent des palanquins que les porteurs laissent à terre délicatement devant la porte. Des femmes effarouchées en sortent, enveloppées, de la tête aux pieds, d’un voile qui semble un linceul. Pauvres âmes mortes en effet, déchues de leur rang social par des lois injustes, traquées par la misère et par l’abandon ! L’une, muette, contractée, tremble comme si elle allait à l’agonie, les prunelles révulsées, prête à une crise ; une autre, passive, a déjà renoncé, semble-t-il, à cette pudeur si profondément ancrée dans l’âme et dans les nerfs des Hindoues de haute caste. Celle-ci me laisse toucher son sari, l’écarter, voir ces seins que