Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
VISIONS DE L’INDE

prévue d’adoration et de tendresse. Lui, l’ascète redouté que le cobra couronne, qu’habille la peau d’une panthère noire, beau comme la méditation et comme la mort, il s’incline devant sa femme et sa servante qui lui a pardonné. Et comme je questionne le brahmine qui m’accompagne, sur le sens de cette scène légendaire et sans doute symbolique, il m’explique :

« Le dieu saint entre tous, ne voulant plus vivre qu’en lui-même et dans la contemplation de l’infini, avait dédaigné son épouse qui préparait son lit dans les neiges de l’Himalaya et lui portait la nourriture nécessaire. Il la quitta. Et il errait de place en place, couchant où la fatigue l’arrêtait, mangeant les fruits et les racines à portée de sa main. Mais il ne pouvait dormir et sa bouche rejetait les mets indignes. Alors, quoique dieu, il se sentit malade et infortuné. Il retourna, le cœur repentant, vers celle qu’il avait délaissée et qui l’attendait fidèle. Il lui rendit hommage, s’écriant : « Sans toi, ô femme, nul ne peut prospérer et vivre, qu’il soit dieu, rajah, ascète ou mendiant ! »


Autour de nous, montait l’odeur intolérable des chairs noires ; les haillons éclatants trahissaient l’abominable misère des corps venus vers le temple antique pour y supplier la Pitié, même sous la