Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
VISIONS DE L’INDE

Rozian a un geste d’indifférence :

— Chacun a le jour de sa mort écrit dans le livre d’Allah.


Je réfléchis. Après tout, pourquoi tuerais-je le cobra ? Il ne m’a causé jusqu’ici qu’une veille inopportune. J’ai eu peur, mais ne faisait-il pas son métier de serpent ?…

L’Inde m’a enseigné le respect des bêtes, même nuisibles. Chacun a dans l’univers son rôle à jouer ; de plus, la Nature, notre mère, ne renferme pas seulement des tendresses, des splendeurs et des fécondités ; un mystère de cruauté est aussi caché en elle… Le tigre et le serpent en sont les symboles vivants. Pourquoi les détester ?

— Je ne tuerai pas le cobra, Rozian, puisque ça t’afflige. Mais à condition qu’on m’en débarrassera bientôt…

La peau sombre de Rozian semble réellement s’éclaircir. J’ai satisfait en lui le génie de la race. Il devient communicatif et confiant.

— Je ferai venir le « snakeman »[1], Sâb. Pour vingt-cinq roupies, il cueillera le serpent sans lui faire de mal, comme une fleur, et le transportera bien loin d’ici dans la prairie. Sans votre promesse de l’épargner, il eût fallu payer bien davantage ;

  1. Le Charmeur de serpents.