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VISIONS DE L’INDE

réconfort si je les réchauffais à la flamme d’un cœur selon le mien !

Quelle pusillanimité ! ne pas se suffire à soi-même… Pauvre sang latin (pauvre et si riche) qui d’abord bat d’amour !

Dieu m’est témoin : toute ma jeunesse, je l’ai passée à vouloir être seul, à combattre cette sensibilité impitoyable. Pour cela, j’ai quitté ma ville natale, je me suis enivré de Paris comme d’une puissante liqueur, j’ai parcouru le vaste univers, savourant les vers désillusionnants de Baudelaire :

Comme le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

J’ai pleuré de joie sur l’Acropole et de douleur parmi les ruines de Thèbes ; enfin, je suis venu ici respirer la fièvre et les fumées de la mort. Hélas ! partout m’a manqué le cœur fraternel. Partout j’ai été morne et inquiet et je n’ai pu être heureux. Mais il était bon de poursuivre le rêve de solitude et de noblesse. Peu importent quelques larmes versées, si la volonté n’a pas plié devant les pires circonstances.

Mieux vaut souffrir que de céder aux fatalités, que de faillir au terrible idéal…