Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
VISIONS DE L’INDE

Allons ! ma solitude est bénie quoique redoutable. En elle, je me regarde comme en un véridique miroir. Et je puise le courage en lisant mieux mes erreurs. L’homme ne change pas profondément s’il est sans cesse dans l’atmosphère bienveillante. Il s’oublie dans une vie facile qui le porte ; mais il se juge lorsqu’il ne peut compter que sur lui seul.

Cet enfant vêtu de cendre que j’ai rencontré dans la rue la plus populeuse de Calcutta et qui alternativement jouait de la flûte ou chantait une mélopée traînante, je l’ai été ; et j’ai été aussi ces vieillards, que j’ai vus le soir sur le pas de leur porte scrutant le grimo iredes sciences près d’une petite lampe suspendue à une tige de fer ; et j’ai été aussi ceux qui passaient sur la route, mâchant la fleur d’oubli parce que le monde, même magnifique, n’est encore qu’un voile grossier pesant sur la splendeur secrète de nos rêves… Mais, j’ai compris qu’ils avaient tort, tous ceux-là, et que j’avais eu tort aussi, qu’il faut regarder la vie en face, même laide, même méchante, même obscure, et qu’il faut la transfigurer par le travail et par la foi. Voilà cette tâche héroïque qui doit tenter les forts véritables ; les autres, les faibles, les délicats, abdi-