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VISIONS DE L’INDE

longues épingles, travaillent à de petits ouvrages de poupées, fabriquent d’interminables patiences, ou se tirent les cartes. Elles sont sur deux rangs près de la porte, leurs pieds trop brefs posés sur des corbeilles renversées.

La prostitution des natives du Bengale est plus répulsive, — lugubre ; fillettes de douze à seize ans, avec, au nez, des perles ou un pendant d’argent. Leur misère, la limpidité bestiale de leur visage nous peinent. La petite Bengali — qui porte si bien ce nom que nous avons donné à des oiseaux — ne semble presque pas vénale ; elle est résignée à sa destinée, comme nous acceptons les phénomènes de la respiration ou de la digestion. Leurs cases inspirent le dégoût. De ces maisons de plâtre, de chiffons et de branches, émane l’odeur d’ammoniaque qui relève la fade et grelottante senteur de choléra et de fièvre, péril de cette spéciale boue d’Asie ; mais les plus hideuses, les plus tombées sont encore les Européennes. Nous nous détournons, offensés, pour la première fois peut-être, dans notre fierté d’hommes blancs…

Nos guides sont, ici, des petits garçons qui conduisent le plus souvent dans leurs familles et font gravir des échelles de bois, des escaliers tortueux et croulants, pour aboutir dans la même chambre à la lumière faible, à la natte qui n’a qu’un seul drap