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VISIONS DE L’INDE

de bayadères qui vont danser chez le Maharajah. Leurs musiciens enchantent l’air, et mes yeux s’enivrent des pierreries et des étoffes. Derrière moi, les prêtres de Durga murmurent. Je sais assez d’hindoustani pour comprendre qu’il s’agit de vider mes poches par quelque extraordinaire tour. Mon brahme tremble sous ses vêtements de clair de lune, malgré la brutalité torride du soleil. Des clochetons, des terrasses, des chapiteaux, la horde des divins quadrumanes grimpe ou tombe, tourbillonne.

Enfin, un jeune desservant s’approche de moi. Il me demande si je veux un de ces enfants singes que les guenons étreignent dans leurs bras maternels. Je dis oui, étourdiment. J’avais toujours rêvé de rapporter de l’Inde un singe, un écureuil, et un paon. Je l’ai vite regretté. À peine l’Hindou a-t-il saisi le bébé grimaçant que la guenon le mord cruellement à la cuisse, restée nue. Le sang coule, rose sur la peau noirâtre. L’adolescent n’a pas puni la bête en fureur ; il n’a pas même crié… Il se retourne vers moi en boitant, il a laissé échapper le poupon velu, il fait un geste d’impuissance… Les autres prêtres s’épient en dessous avec des regards complices. Je scrute l’œil du blessé. ; peu de douleur, un grand espoir de roupies… Je lui en jette, en effet, avec tristesse, avec dégoût… Ces