Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/250

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— C’est l’affaire de la bonne, cela !

— Avec la grosse brosse seulement ?

— Nous avons une bonne, ce n’est pas pour qu’elle reste à bâiller toute la journée. »

Elle n’a pas le temps de bâiller la pauvre fille ! Oh ! ma mère a l’œil !

Ce n’est pourtant pas son enfant, ni sa nièce ! Pourquoi donc lui montrer les mêmes égards qu’à moi ? Elle fait pour les étrangers ce qu’elle faisait pour Jacques. Elle n’établit pas de différence entre sa domestique et son fils. Ah ! je commence à croire qu’elle ne m’a jamais aimé !

La pauvre fille ne peut plus y tenir. On la nourrit bien, cependant. Ma mère lui donne tout ce dont nous n’avons pas voulu.

« Ce n’est pas moi qui épargnerais le manger à une bonne ! »

Et elle met sur un rebord d’assiette les nerfs, les peaux, le suif cuit.

« C’est bon pour son tempérament, ces choses-là. Et les boulettes froides, voilà qui fortifie ! »

Pauvre Jeanneton ! Si elle n’était pas soignée si bien, comme elle dépérirait ! Car même avec ce régime, elle se porte mal, elle n’est pas grasse, tant s’en faut !

Je crois m’apercevoir que Jeanneton n’est pas folle de ma mère, et qu’elle s’applique à la contrarier.

« Voulez-vous un verre de cidre, Jeanneton ?

— Merci, Madame.

— Merci oui, ou merci non.