Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/347

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Je dis ça timidement, comme on sonne à la porte d’un dentiste. J’espère qu’il ne m’entendra pas.

« Tu ne vois donc pas qu’il s’en va : cours après lui, cours donc ! »

Je rattrape le garçon qui, un pied en l’air, la tête en bas, crie d’une voix de stentor dans l’escalier :

« Et mes tripes ? »

Il se retourne brusquement :

« Qu’y a-t-il ?

— Ce n’est pas un rôti qu’il faut.

— Qu’est-ce qu’il faut, alors ! »

Ma mère, du fond de la salle :

« Une bonne côtelette, pas très grasse ; si elle est grasse, il n’en faut pas ; avec une assiette bien chaude, s’il vous plaît ! »


« La côtelette… enlevons !

— Je vous ai dit : pas grasse !

— Ce n’est pas gras, ça, madame !

— Voyons, mon ami, si vous êtes franc… »

Le garçon a disparu.

Ma mère tourne et retourne la côtelette du bout de sa fourchette ; elle finit par accoucher de cette proposition :

« Jacques, va t’informer à la cuisine si on veut te la changer.

— Maman !

— Si on ne peut pas avoir ce qu’on aime avec son argent ! Ne dirait-on pas que nous demandons la charité, maintenant ! (d’une voix tendre) : Tu voudrais