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les naufragés de l’air.

sière noire, cristallise en octaèdres réguliers, fournit les aimants naturels, et sert à fabriquer en Europe ces fers de première qualité, dont la Suède et la Norwége sont si abondamment pourvues. Non loin de ce gisement se trouvaient les gisements de charbon de terre déjà exploités par les colons. De là, grande facilité pour le traitement du minerai, puisque les éléments de la fabrication se trouvaient rapprochés. C’est même ce qui fait la prodigieuse richesse des exploitations du Royaume-Uni, où la houille sert à fabriquer le métal extrait du même sol et en même temps qu’elle.

« Alors, monsieur Cyrus, lui dit Pencroff, nous allons travailler le minerai de fer ?

— Oui, mon ami, répondit l’ingénieur, et, pour cela, — ce qui ne vous déplaira pas, — nous commencerons par faire sur l’îlot la chasse aux phoques.

— La chasse aux phoques ! s’écria le marin en se retournant vers Gédéon Spilett. Il faut donc du phoque pour fabriquer du fer ?

— Puisque Cyrus le dit ! » répondit le reporter.

Mais l’ingénieur avait déjà quitté les Cheminées, et Pencroff se prépara à la chasse aux phoques, sans avoir obtenu d’autre explication.

Bientôt Cyrus Smith, Harbert, Gédéon Spilett, Nab et le marin étaient réunis sur la grève, en un point où le canal laissait une sorte de passage guéable à mer basse. La marée était au plus bas du reflux, et les chasseurs purent traverser le canal sans se mouiller plus haut que le genou.

Cyrus Smith mettait donc pour la première fois le pied sur l’îlot, et ses compagnons pour la seconde fois, puisque c’était là que le ballon les avait jetés tout d’abord. À leur débarquement, quelques centaines de pingouins les regardèrent d’un œil candide. Les colons, armés de bâtons, auraient pu facilement les tuer, mais ils ne songèrent pas à se livrer à ce massacre deux fois inutile, car il importait de ne point effrayer les amphibies, qui étaient couchés sur le sable, à quelques encâblures. Ils respectèrent aussi certains manchots très-innocents, dont les ailes, réduites à l’état de moignons, s’aplatissaient en forme de nageoires, garnies de plumes d’apparence squammeuse.

Les colons s’avancèrent donc prudemment vers la pointe nord, en marchant sur un sol criblé de petites fondrières, qui formaient autant de nids d’oiseaux aquatiques. Vers l’extrémité de l’îlot apparaissaient de gros points noirs qui nageaient à fleur d’eau. On eût dit des têtes d’écueils en mouvement.

C’étaient les amphibies qu’il s’agissait de capturer. Il fallait les laisser prendre terre, car, avec leur bassin étroit, leur poil ras et serré, leur confor-