Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/23

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le goût encore mal formé ne sut pas toujours distinguer dans son modèle la déclamation de l’éloquence, l’enflure de l’énergie, et la pédanterie du véritable savoir. De Nicomédie Julien s’était rendu à Pergame. Là, le penchant curieux qu’il avait dans l’âme pour les sciences secrètes, la tournure mélancolique qu’avait prise son esprit, après avoir passé par tant de rudes épreuves, peut-être aussi le besoin de croire et de s’attacher à une doctrine fixe et positive lui avaient suggéré le désir de voir Ædésius, dont Libanius lui avait recommandé la science hiératique. C’était le représentant le plus accrédité de l’école néo-platonicienne, le plus savant et le plus ingénieux des disciples de Jamblique. Ædésius mit Julien en relation avec Eusèbe de Carie, Chrysanthius de Sardes, Priscus d’Épire et Jamblique d’Apamée. Mais le grand initiateur théurgique était Maxime d’Éphèse. Julien se rendit auprès de lui. Maxime[1] exerçait une grande séduction sur tous ceux qui l’approchaient : son éloquence enthousiaste et persuavive, son extérieur majestueux, sa voix pénétrante et douce, son regard clair et dominateur, sa barbe blanche et vénérable les remplissaient d’une crainte mêlée de curiosité. Julien y fut pris. Après un mois d’épreuves et de jeûnes, il se fit initier, la nuit, dans le temple de Diane, aux secrets des mystères extatiques, au milieu de cérémonies effrayantes, accompagnées de chants étranges, d’ombres évoquées, d’apparitions de démons et de génies, dont l’impression réelle grava profondément dans son esprit les plus absurdes chimères. Ébloui de ces prestiges, le jeune néophyte renonça dès lors à la religion chrétienne, se voua au culte de Mithra et choisit le Soleil pour son dieu suprême. On dit que, voulant effacer en lui la souillure du baptême, Maxime le soumit à l’épreuve du taurobole, et versa sur sa tête le sang d’un taureau nouvellement égorgé. Julien cacha soigneusement sa conversion. Ses amis, fondant sur son avènement à l’empire le triomphe de leurs doctrines, lui conseillèrent la prudence. Il la poussa jusqu’au déguisement et à la feinte. Vivant sous un Tarquin, il joua le rôle d’un Brutus. « Le lion, dit Libanius, revêtit la peau de l’âne. » De retour à Nicomédie, il se fit raser la tête et reprit ses anciennes fonctions de lecteur.

C’est de là que Constance l’avait fait revenir, après la mort

  1. Pour toute cette partie, voyez Lebeau, mais surtout Milman et Émile Lamé.