Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/72

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non-seulement de leur ville, mais de toute l’Égypte. Il est trop clair qu’il a voué une haine à mort au courageux et saint évêque, et l’on ne peut se méprendre sur le terrible sens des expressions qu’il emploie, quand il déclare, suivant Gibbon, qu’il voudrait que tout le venin de l’école galiléenne fût concentré dans la seule personne d’Athanase. Moins pénible est l’impression que laisse dans l’esprit de l’historien la lettre de Julien à Libanius[1], au moment où il se met en marche contre les Perses. Cependant, on ne peut se défendre d’un sentiment de tristesse, en songeant que l’homme, qui s’abandonne avec enjouement dans ces lignes adressées à un ami, va disparaître tout à l’heure de la scène du monde, où il joue un rôle si court, mais si étonnant.

Telle est la correspondance de Julien. À défaut de ses autres écrits, elle le reproduirait au vif : il s’y peint en traits heurtés, mais profondément gravés : c’est Julien tour à tour déclamateur et sophiste, puis écrivain plein de goût, de raison et de finesse ; légiste savant, railleur piquant, frondeur spirituel, théologien conciliant et tolérant ; et ensuite polémiste ardent, fougueux, emporté jusqu’à l’injustice et à la déraison ; esprit fort et païen superstitieux, guerrier prudent et vigilant, quoique se livrant jusque sous la tente aux occupations d’un littérateur et d’un philosophe.

On rattache aux lettres de Julien celle que l’on croit écrite par son frère Gallus pour l’engager à demeurer fidèle à la religion chrétienne, mais cette lettre n’a point un caractère assez positif d’authenticité pour que nous y insistions avec plus de détails. Les Fragments ont plus d’importance. Quelques lignes sur la forêt Hercynienne[2] indiquent que Julien avait été vivement ému du spectacle des bois immenses, des montagnes chevelues, des longues voûtes ombreuses de la Germanie. Le fragment[3] où il rappelle aux Corinthiens que son père a séjourné dans leur ville, jette un peu de jour sur la vie mal connue de Jules Constance. Tout porte à croire que cet homme modéré, qui vit sans jalousie le diadème sur la tête d’un frère qu’il aima toujours sincèrement, fit de fréquents voyages dans plusieurs provinces de l’empire, loin des passions et des intrigues de la cour ; et cette réserve rend encore plus odieux le crime de son neveu Constance, qui le laissa massacrer par ses soldats.

  1. Lettre XXVII.
  2. Fragment IV.
  3. Fragment V.