Page:Julien empereur - Oeuvres completes (trad. Talbot), 1863.djvu/75

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embrassé. Gêné dans ses premiers mouvements par une contrainte despotique et soupçonneuse, qui arrête le développement régulier de son talent et qui réduit à la pédanterie un esprit incapable de subir le joug de l’ignorance, il se laisse aller, une fois libre, à une facilité verbeuse, à une intempérance de langue, à laquelle l’incertitude de son goût n’a pas toujours la force de mettre un frein. Alors la citation érudite remplace la science réelle et bien digérée, le brillanté et le chatoyant de l’antithèse suppléent à la vigueur solide des oppositions naturelles, et rarement le travail réfléchi de la retouche châtie et discipline les élans du premier jet. Mais il y aurait injustice à ne voir que le mal où se rencontre tant de bien, à ne regarder que les imperfections d’une œuvre où se manifestent des qualités si éminentes, et à ne pas faire peser dans la balance de la critique la fatalité d’une mort prématurée, qui empêcha l’auteur de revoir et de corriger ses écrits. La part ainsi faite aux qualités et aux défauts, on reconnaîtra que Julien mérite d’occuper une belle place parmi les écrivains couronnés, et l’on ne s’étonnera pas que notre impartialité, appliquée exclusivement à son talent littéraire, ne sépare point sa renommée de celle des Jules César, des Marc-Aurèle, des Frédéric[1] et des Napoléon.

Eugène Talbot.

Paris, 15 avril 1863.

  1. Voyez le parallèle de Marc-Aurèle et de Julien par Thomas, Éloge de Marc-Aurèle, et le parallèle de Julien et de Frédéric II par M. Villemain, Tableau de l’éloquence chrétienne au quatrième siècle.