Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/18

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On est toujours le fils de quelqu’un, et de plus on dépend de son pays, de son ambiance, de l’aspect général de l’époque où l’on naît, et du contraste de cet asj)ect général. Vers ses dix-huit ans, le jeune homme franchement libre du joug des humanistes, plutôt parfois, l’enfant qui sait grimper jusqu’à la lucarne qu’on lui laisse sur la vie, se pénètre des nouveautés d’art. Elles sont de sortes diverses. Il y a celles que l’on est en train de consacrer, celles qui conquièrent la faveur publique, celles dont l’on se détourne, mais non point avec simplicité et unanimité en laissant tomber le médiocre livre, mais celles qu’on discute, qu’on vitupère, qu’on honnit, le chef-d’œuvre de demain, ou quelque manière de beau livre, plein de défauts mais où le don a fait étinceler son éclair d’aurore, ou l’aigrette diamantée d’une fée des crépuscules, cri jeune de coq pas assez entendu, ou noble parole attristée qui tombe aux lacs d’oubli.

La jeunesse à Paris a l’oreille très fine. Elle est très distincte à cet égard, et pour les nouveautés littéraires, de la jeunesse de province. Le petit provincial n’apprend pas grand chose en dehors de ce que lui disent ses professeurs, le critique autorisé du journal de Paris qu’affectionnent son père ou son petit café, et le critique du journal local, habituellement moins lumineux qu’un pliare. Le filtre est très serré qui laisse pénétrer jusqu’à lui les efforts nouveaux. Les revues provinciales actuelles qui renseignent plus ou moins les jeunes gens,