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symbolistes et décadents

dans ce qu’il exprime ; pour se rendre sensible aux autres esprits, il est contraint de s’amoindrir pour passer dans l’accessible.

« Il est obligé d’accepter un voile extérieur, une fiction, une trame, une histoire dont la grossièreté est nécessaire à la manifestation de sa puissance et à laquelle il reste complètement étranger ; il ne dépend pas, il ne crée pas, il transparaît.

« Il faut une mèche au flambeau, et quelque grossier que soit en lui-même ce procédé de la lumière, ne devient-il pas absolument admirable lorsque la lumière se produit… Le génie n’a point pour mission de créer mais d’éclaircir ce qui, sans lui, serait condamné aux ténèbres. C’est l’ordonnateur du chaos ; il appelle, sépare et dispose les éléments aveugles, et quand nous sommes enlevés par l’admiration devant une œuvre sublime, ce n’est pas qu’elle crée une idée en nous, c’est que, sous l’influence divine du génie, cette idée qui était en nous, obscure à elle-même, s’est réveillée comme la fille de Jaïre, au toucher de celui qui vient d’en haut (Hamlet, Chez les Passants, p. 40, un article déjà paru dans la Revue des Lettres et des Arts, vers 1863.)

Mon art, c’est ma prière, et, croyez-moi, nul véritable artiste ne chante que ce qu’il croit, ne parle que de ce qu’il aime, n’écrit que ce qu’il pense ; car ceux-là qui mentent se trahissent en leur œuvre dès lors stérile et de peu de valeur, nul ne pouvant accomplir œuvre d’art véritable sans désintéressement, sans sincérité.

Il faut à l’artiste véritable, à celui qui crée, unit et