Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/29

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Dierx, Verlaine, Mallarmé, qu’elle les a remontés, les a rétablis au rang d’où les Parnassiens les avaient évincés. C’est très juste ; la première, et la seconde génération des symbolistes, (celle de Vielé-Griffin), furent animées du même et louable sentiment, d’un bel esprit de justice.

Donc je voulais envoyer un exemplaire de la Revue à Mallarmé. J’ignorais son adresse. Mais Mallarmé avait publié une traduction chez un éditeur, et l’éditeur de Mallarmé s’appelait Rothschild. Un petit vieux casse-noisette me regarda derrière de soupçonneuses lunettes, derrière un tiroir de ghetto, rue Bonaparte ou rue des Saints-Pères. À ma demande d’adresse, Rothschild me dit : « Pourquoi ? — Pour lui envoyer une revue où j’ai écrit. — Votre nom. — Gustave Kahn. — Israélite ? — Oui. — Ah… Il considéra avec surprise, ce coreligionnaire qui tournait si mal il ajouta : 89, rue de Rome. Le lendemain Mallarmé me priait de le venir voir, et j’y fus sans craindre de paraître pressé.

Stéphane Mallarmé a bien voulu dire que j’avais été son premier visiteur ; il est inutile de dire que c’était vrai, cette parole, toujours certaine, étant la vérité et la mesure. Je trouvais pourtant chez lui, je crois, à ma seconde visite, un jeune homme, Raoul de l’Angle Beaumanoir qui faisait des vers, je ne dirai pas comme vous et moi, parce qu’ils étaient strictement Parnassiens. Ce jeune homme venait voir Mallarmé par piété filiale ; il réparait le crime de son père, un de l’Angle Beaumanoir, préfet, qui, au vu des vers de Mallarmé, alors professeur dans un district écarté, avait obtenu qu’on imposât un mutation au poète, à son gré, ma-