Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/31

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sons qui me poussaient à renouveler le rythmique. Mais c’est un peu effarant d’être tout seul à penser quelque chose, et puis dès qu’il s’agissait du vers il semblait qu’en y portant une main violente on commettait un sacrilège ; le ton augurai toujours, même en riant, de Mallarmé se faisait plus lointain, j’avais peur d’insister sur un point délicat où toutes les fibres de la pensée concentraient leur sensibilité et puis Mallarmé me disait tant de bien, si poliment, avec de si adroites et bienveillantes réserves, des poëmes en prose, (je disais les proses, tout court) dont je lui infligeais une lecture presque périodique, que mon audace novatrice reculait ; j’avais peur qu’il se crût forcé à étendre sa bienveillance à des essais qu’il ne goûtait pas. Je ne crains pas d’ailleurs de dire qu’il influa sur moi et que je lis en ce temps-là une paire de sonnets.

Ceux que je vis dans ces soirées du mardi de 1879, bien différentes des glorieuses chambrées que je retrouvais en 1885, ce furent outre de l’Angle Beaumanoir, le bon Jean Marras, M. Henry Roujon, le musicien Léopold Dauphin qui a fait de si jolis vers Germain Nouveau.

Entre temps je m’occupai de la diffusion de mon œuvre, et j’en entrepris une lecture publique. La rive gauche, où je vivais porte à porte avec mon ami le mathématicien Charles Henry, tout hanté déjà d’esthétique scientifique, et visité souvent par un homme qui savait toutes les langues et est devenu vice-consul en Orient, traducteur intermittent et excellent de difficiles textes de poètes persans. H. Ferté offrait à cet égard une ressource. C’était le club, si l’on peut dire, des Hydro-