Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/58

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et décida peut-être les puissances à céder aux demandes du Japon.

Tel est le principal, peut-êlre le seul mobile auquel obéissaient les promoteurs de la Croix-Rouge, car l’humanité est un sentiment que les Japonais ne connaissent pas. Les jaunes sont doués d’un système nerveux bien moins sensible que les blancs et les noirs ; ils se montrent indifférents à la souffrance chez eux comme chez autrui. Parmi les réformes que les sujets du Mikado ont admis le plus difficilement, il faut placer la suppression de la torture ; leur conseiller, M. Boissonnade, a dû, pour faire bannir la question des geôles japonaises, employer non seulement la persuasion mais encore la menace. Personne ne comprenait la raison d’être de cette réforme.

Je me souviens encore d’un fait divers banal qui m’a permis de constater, lors de mon passage à Kobé, ce trait du caractère japonais. Un malheureux coolie qui travaillait à décharger des marchandises sur un paquebot fit un faux mouvement et tomba au fond de la cale ; on le ramena mourant sur le pont. Un sampan le transporta à la jetée où l’attendait une civière ; les brancardiers inexpérimentés mirent longtemps à charger le blessé et à se mettre en marche. La foule qui se pressait autour d’eux éclatait de rire à la vue de leurs mouvements maladroits sans se soucier des gémissements du moribond.