Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La vue charmante qui se déroule à nos yeux suffit à occuper l’attention. La Mer Intérieure avec son dédale d’îlots verts et de rivages hérissés de cônes volcaniques, avec ses eaux bleues, dont les courants rapides font tourbillonner l’écume, attire tout le monde sur la passerelle. Mais c’est pour moi presque une désillusion : ce pays est vraiment trop semblable aux nôtres. À des milliers de lieues, on retrouve le même climat, les mêmes couleurs, les mêmes arbres. Ici, surtout, c’est un véritable pot-pourri de paysages européens. À Chodochima, l’Allemand croit reconnaître, dans les rizières étagées le long des pentes, les vignobles des bords du Rhin. Plus loin, l’Italien retrouve les escarpements dénudés du détroit de Messine. Le chenal de Ki rappelle aux correspondants anglais les lacs d’Écosse, et j’entends l’attaché autrichien comparer les abords d’Ikoutsouchima aux côtes de Dalmatie.

Après une demi-journée de cette navigation presque fluviale, nous arrivons à notre premier mouillage. La plage de Miyajima est considérée par les Japonais comme une des trois plus belles vues de tout l’empire. Ses vieux temples et ses sombres forêts se cachent au milieu des îles de la Mer Intérieure ; les touristes passent peu, les cartes postales illustrées y sont inconnues, et le sifflet du chemin du fer n’y trouble pas encore le repos des bois sacrés. De la chaloupe