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PRÉFACE.


émettre un paradoxe, que s’il traitait de l’éducation, il écrirait un chapitre sur les jeux et les jouets : celui-là n’avait pas lu Kant.

Par la discipline ainsi mitigée, l’homme est dressé. Il faut ensuite le civiliser, lui donner l’art de plaire à ses semblables et de se plaire avec eux. Il faut même en faire un habile homme, et Kant n’hésite pas à l’armer pour la lutte des intérêts où il se trouvera engagé. Il faut qu’il sache pénétrer les desseins des autres et cacher les siens. Dissimuler n’est pas toujours mentir. Toutefois il faut se méfier de la subtilité de certaines distinctions, et, en présence de certains conflits, ne pas recourir à des compromis dangereux pour la vertu. Nous ne vivons pas dans un monde où la moralité soit chez elle. L’accord des mœurs et de la moralité n’est qu’un lointain idéal. La civilisation nous a même ajouté des vices, et cependant nous sommes faits pour elle. Mais nous ne sommes pas faits pour elle seule. Nous sommes faits pour quelque chose de mieux en quoi les contraires se résoudront peut-être un jour ; — et il faut enfin rendre à ce mot : l’éducation morale son vrai sens et sa vraie dignité.


V.


L’ÉDUCATION MORALE.


L’obéissance est déjà une image de la moralité. C’est la moralité des enfants. Et au fur et à mesure que leur raison grandit et que la soumission extérieure aux ordres d’un maître se double d’un acquiescement intime à une loi reconnue juste, cette moralité d’enfant prend plus de prix et se transforme. La discipline a pénétré du dehors au dedans. On obéit, mais on obéit à soi-même. Cette autonomie, qui n’est pas l’absence de règle, est le tout de la moralité. Mais quelle est cette règle intime dont la conscience seule nous