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KANT. — PÉDAGOGIE.


en croissant et étend ses branches au loin ; au contraire celui qui croît au milieu d’une forêt se conserve droit, à cause de la résistance que lui opposent les arbres voisins, et il cherche au-dessus de lui l’air et le soleil. Il en est de même des princes. Mais il vaut encore mieux qu’ils soient élevés par quelqu’un de leurs sujets que par leurs égaux. — On ne peut attendre le bien d’en haut qu’autant que l’éducation y sera la meilleure ! Il faut donc compter ici plutôt sur les efforts des particuliers que sur le concours des princes, comme l’ont pensé Basedow et d’autres ; car l’expérience nous enseigne que ces derniers ont moins en vue dans l’éducation le bien du monde que celui de leur État, et n’y voient qu’un moyen d’arriver à leurs fins. S’ils donnent de l’argent pour cet objet, ils se réservent le droit de tracer le plan qui leur convient. Il en est de même pour tout ce qui concerne la culture de l’esprit humain et le développement des connaissances humaines. Le pouvoir et l’argent ne les procurent pas, ils les facilitent tout au plus ; mais ils pourraient les procurer, si l’État ne prélevait les impôts uniquement dans l’interêt de sa caisse. Aussi les Académies ne l’ont-elles pas fait jusqu’ici, et il y a aujourd’hui moins d’apparence que jamais qu’elles commencent à le faire.

C’est pourquoi la direction des écoles ne devrait dépendre que du jugement des connaisseurs les plus éclairés. Toute culture commence par les particuliers, et part de là pour s’étendre. La nature humaine ne peut se rapprocher peu à peu de sa fin que grâce aux efforts des personnes qui sont douées de sentiments assez étendus pour prendre intérêt au bien du monde et qui sont capables de concevoir un état meilleur comme