Page:Kant-Traité de pédagogie (trad. Barni), 1886.pdf/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
ON NÉGLIGE L’ÉDUCATION MORALE.


cateur la moralisation. Cependant combien n’est-il pas important d’apprendre aux enfants à haïr le vice, non pas pour cette seule raison que Dieu l’a défendu, mais parce qu’il est méprisable par lui-même ! Autrement ils s’y laissent aisément entraîner en pensant que cela pourrait bien être permis si Dieu ne l’avait pas défendu, et qu’il peut bien faire une exception en leur faveur. Dieu, qui est l’être saint par excellence, ne veut que ce qui est bon : il veut que nous pratiquions la vertu à cause d’elle-même et non parce qu’il l’exige.

Nous vivons dans une époque de discipline, de culture et de civilisation, mais qui n’est pas encore celle de la moralisation. Dans l’état actuel des choses on peut dire que le bonheur des États croît en même temps que le malheur des hommes. Et c’est encore une question de savoir si nous ne serions pas plus heureux dans l’état barbare, où toute la culture qui est chez nous n’existe pas, que dans notre état actuel. Car comment peut-on rendre les hommes heureux, si on ne les rend moraux et sages ? La quantité du mal n’en sera pas diminuée.

Il faut d’abord instituer des écoles expérimentales avant de pouvoir en fonder de normales. L’éducation et l’instruction ne doivent pas être purement mécaniques, mais reposer sur des principes. Pourtant elles ne doivent pas être non plus une affaire de pur raisonnement, mais aussi, en un certain sens, un mécanisme. Il n’y a guère en Autriche que des écoles normales, établies sur un plan contre lequel on a élevé avec raison beaucoup d’objections et auquel on pouvait surtout reprocher de n’être qu’un mécanisme aveugle. Toutes les autres écoles devaient se régler sur celles-là, et l’on se refusait même à employer les gens qui